Recherche Bay numéro 143 - 04/01/2023
Permettez moi de vous adresser à toutes et à tous mes meilleurs vœux, que cette année 2023 vous apporte tout d’abord la santé et aussi la prospérité, en espérant que la lecture de ces bulletins contribue un tout petit peu quand même à ce deuxième objectif!
Merci en particulier à tous mes abonnés payants qui soutiennent mon travail de recherche indépendant hebdomadaire!
Je reste persuadé que 2023 va être un grand cru pour les métaux précieux, même si la volatilité risque elle aussi d’être très importante.
Je détaille justement les raisons de cette probable volatilité croissante du secteur dans mon dernier bulletin publié cette semaine sur or.fr
La valeur du billet vert est très importante pour les métaux précieux, mais la perspective de voir le dollar perdre de sa dominance dans le commerce international est une composante essentielle de ses futures variations et de la détermination du cours de l’or.
Le dollar est soumis à des forces antagonistes:
Les forces qui le poussent à la hausse sont la faiblesse des autres monnaies (Europe et Japon) et le “deleveraging” dû à l’éclatement de la bulle de la dette et des produits dérivés.
Les forces qui le poussent à la baisse sont la situation fiscale américaine et la fragilité du bilan de la Fed, qui, conséquence de la remontée des taux, enregistre pour la première fois depuis 2008 des pertes importantes sur son portefeuille obligataire et qui est obligé d’émettre des IOUS pour combler ces pertes dans son bilan.
L’année 2023 risque de renforcer la volatilité de l’or au fur et à mesure des apparitions successives de ces forces opposées sur le dollar. Selon Jim Sinclair, la fin de l’aventure monétaire du dollar se déroulera avec des variations quotidiennes de + ou - 100 $ du cours de l’or. Il se pourrait bien que cette année 2023 soit la première d’un nouveau cycle d’hyper-volatilité de l’or et des métaux précieux.
Si cette analyse vous intéresse, vous pouvez la découvrir dans son intégralité ici: https://or.fr/actualites/comment-dollar-va-se-comporter-2023-2969
Cette volatilité risque en tout cas de se répercuter sur le secteur des minières, qui ne bénéficient pas pour l’instant d’un intérêt d’investissement suffisant et qui dans un volume toujours trop bas sont soumis à des fluctuations violentes à la hausse comme à la baisse. Moins il y a de volume, plus il y a de volatilité. Moins il y a d’intérêt, au plus les fonds indiciels jouent un rôle prépondérant. Et comme ces fonds sont pilotés par des algos très sensibles sur le newsflow lié au comportement des monnaies, cela renforce bien évidemment les fortes variations sur les titres.
Nous allons nous pencher dans ce bulletin sur plusieurs points: comment évaluer les compagnies minières en ce début d’année 2023. Cette partie est en lecture libre, ouverte à tous. La deuxième partie de ce bulletin est ensuite consacrée à l’actualité des compagnies minières, ave un focus cette semaine sur la société Fortuna Silver qui a encore une fois fait la une avec son problème d’extension de permis de sa mine mexicaine de San Jose.
Avant de nous rendre au Mexique, commençons ce bulletin consacré aux compagnies minières par un sujet primordial: l’évaluation des sociétés du secteur.
Le sujet est d’autant plus important que le secteur est délaissé en ce début de 2023. Écarté par la plupart des fonds pour des raisons liées à des considérations ESG, il est aussi laissé de côté par des investisseurs moins qualifiés tout simplement parce que le secteur n’est pas assez visible.
Pour la première catégorie des fonds, un travail important doit être réalisé pour permettre de ramener le secteur des minières dans une classe d’actifs best effort ESG. Aujourd’hui, les fonds ne peuvent aborder ce secteur dans une analyse extra financière poussée.
Grâce à la collaboration de la société de recherche Altiplano, j’ai écrit une série de notes à destination de ces fonds justement centrées sur ces considérations ESG. La dernière note de décembre 2022 présente une méthodologie pour aborder la notion de gouvernance lors l’étude d’une société minière. Dans ESG, le G est pour moi le critère le plus important.
Dans ce travail d’analyse sur le sujet, nous avons conçu une grille de questions autour des grands sujets de gouvernance.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que la transition énergétique et la décarbonation de nos économies ne peuvent se passer des ressources fournies par notre planète. Les enjeux miniers, environnementaux, sociétaux, macro et micro-gouvernance, géopolitiques, technologiques et industriels sont nombreux et complexes. Le secteur minier est critiqué depuis des décennies pour de nombreuses raisons et les entreprises qui le composent doivent repenser leurs positions pour devenir soutenables et compatibles avec le monde émergent.
Le travail dans cette note s’articule autour d’une publication de recherche éditée par Deloitte sur la Gouvernance dans le secteur minier.
Les points précis que nous avons développés comme fondamentaux dans les stratégies des acteurs miniers concernent les éléments suivants :
- les droits de l’homme,
- l’éthique,
- l’implication des minorités,
- l’application des normes sociales,
- la protection physique et numérique,
- la prise en compte de l’ESG.
À travers chacun de ces points, il est nécessaire de lister les questions essentielles qui éclaireront au mieux la situation concrète de l’entreprise face aux critères de bonne gouvernance.
Une enquête sur la gouvernance ne peut néanmoins pas se limiter à une suite de questions réponses. Quelle méthodologie employer pour aborder ce dossier délicat ?
Nous nous proposons, à la fin de cette note, d’étudier un exemple de méthodologie de l’un des acteurs de l’audit ESG, en essayant d’évaluer cette stratégie quand il s’agit de questions de gouvernance.
Si cette note vous intéresse, vous pouvez créer un compte sur Altiplano et la télécharger à cette adresse: https://altiplano-openresearch.com/analyses/52
Pour les investisseurs qui n’ont pas les fondamentaux de l’analyse minière, voici un petit rappel méthodologique pour bien aborder ce secteur:
Rappelons quelles sont à la base les méthodes d‘évaluations de sociétés minières:
La méthode la plus en vogue dans le marché haussier 2001-2011 était celle liée à la valeur de réserve : cette méthode consiste à estimer la valeur des réserves de minerai d'une compagnie en fonction du prix du marché du minerai et des coûts de production prévus. Malheureusement cette méthode de valorisation n’est absolument plus considérée aujourd’hui car nous ne sommes pas (encore) dans le cycle haussier équivalent à cette période 2001-2011. C’est plus facile évidemment quand on est dans un cycle haussier, on regarde le potentiel d’une minière en anticipant la hausse des métaux sous-jacents sans se soucier des revenus réels et du cash généré à l’instant T. Dans ces phases haussières, même les plus mauvais dossiers correspondants aux entreprises les plus mal gérées s’envolent à condition que ces entreprises aient des réserves prouvées. On est encore très loin de cette euphorie!
La société Factset Screen a calculé qu’on pourrait acheter aujourd’hui les 33 meilleures sociétés minières productrices d’or dans le monde pour $249 milliards, ces sociétés détiennent pourtant 643 millions d'onces de réserves d'une valeur de $1,224 milliards! Les réserves se payent six fois moins que le prix du spot!
La deuxième méthode consiste à utiliser le multiple de bénéfice : cette méthode consiste à utiliser des multiples du bénéfice (par exemple, le ratio cours/bénéfice) pour évaluer une compagnie en fonction de sa performance financière passée et attendue. Cette méthode est utilisée par de nombreux analystes pour différencier les majors sur les derniers trimestres.
La troisième méthode consiste à utiliser la valeur de liquidation : cette méthode consiste à estimer la valeur de la compagnie en fonction de la valeur de ses actifs et de ses passifs, en supposant que la compagnie doit être liquidée. Méthode utilisée dans un marché baissier pour préparer un rapprochement.
La quatrième méthode est celle liée au cash flow : cette méthode consiste à estimer la valeur d'une compagnie en fonction des flux de trésorerie futurs qu'elle est censée générer. C’est aujourd’hui la méthode qui se rapproche le plus de l’approche du marché. Plus précisément, le marché aujourd’hui ne se concentre que sur le Free cash flow effectivement généré sur au moins deux trimestres consécutifs. Nous venons de vivre un véritable krach sur les valeurs du secteur, les analystes ne regardent même plus les bénéfices. C’est le flux de trésorerie disponible qui est la seule variable qui compte. C’est d’ailleurs un peu pareil pour toutes les valeurs du marché en ce moment, preuve qu’on est bien dans un marché baissier, voire au milieu d’un krach pour certains secteurs comme les technos.
Comment se calcule le free cash flow d’une minière?
Il faut regarder tout d’abord le “cash flow statement”.
Le “cash flow statement” d’une minière montre les flux de trésorerie entrants et sortants de l’entreprise sur des périodes spécifiques. En ce mois de Janvier, on peut reprendre les 9 derniers mois pour se faire une meilleure idée des derniers trimestres.
Il y a trois parties dans ce rapport: “Operating Activities”, “Investing Activities” et “Financing Activities”.
Dans “Operating activities” on retrouve les revenus nets de l’entreprise “Net Income” qui ne suffisent plus aujourd’hui à valoriser l’entreprise productrice dans la période que nous traversons.
Le revenu net exclut des frais comme les amortissements, les charges des coûts payés à l’avance et les rémunérations à base d'actions (options) qui correspondent aux paiements des salariés et consultants par des capitaux propres de l’entreprise minière. Il faut soustraire ces frais au revenu net qui correspondent à la catégorie “Net cash charges”
Il faut aussi ajouter ce qui correspond à ce qui n’a pas encore été encaissé: ventes non encore enregistrées, factures non encore payées, stock non encore vendu.
On obtient alors la valeur calculée correspondant à l’Operating Cash Flow.
Pour calculer le Free Cash Flow, il faut aller chercher dans la deuxième catégorie “Investing Activities” la partie relative au CAPEX (Capital Expenditures)
Le FCF se calcule en retranchant la valeur du CAPEX à l’Operating Cash Flow.
C’est cette valeur qui détermine en ce moment la valeur d’une action aurifère. Et l’on comprend que même avec des réserves prouvées importantes et un Operating Cash flow suffisant certaines minières engluées dans une explosion des coûts de leur capex ont plongé en bourse cette année.
La bonne nouvelle c’est que le prix des métaux s’est maintenu très haut et qu’on pourrait même avoir une hausse importante sur certains métaux comme l’argent ou le platine. Dans le même temps, les CAPEX diminuent en ce moment grâce à la baisse des coûts de l'énergie. Les coûts salariaux sont encore en hausse mais à un rythme moins important que l’an dernier.
Le FCF en hausse des compagnies minières des prochains trimestres risquent de changer la valorisation de ces minières. Si ce mouvement de hausse réussit à casser le cycle baissier du secteur, nous changerions de cycle et la méthode de valorisation changerait brusquement: nous passerions alors d’une méthode FCF à une méthode d’évaluation sur les réserves.
C’est à ce moment du cycle que nous assisterions à un véritable décollage du secteur.
C’est aussi à ce moment-là du cycle que nous aurions un véritable flux d’investissement sur les exploratrices, qui restent à ce jour totalement ignorées par le marché.
Cela se verra graphiquement sur la percement à la hausse de la tendance baissière du graphique GDXJ/GDX : cette baisse a démarré en 2011!
Les volumes sur les juniors ne permettent pas de mesurer ce changement de cycle, j’ai néanmoins le sentiment que 2023 verra se produire ce basculement.
Passons désormais à la dernière partie de ce bulletin consacré à l’actualité des compagnies minières:
Fortuna Silver a encore fait la une de l’actualité…