Le bulletin macro de cette semaine est dédié à la situation explosive sur le marché de l’argent
En août 2024, l’or avait donné un signal fort en surperformant pour la première fois depuis 1980 le classique portefeuille 60/40 (60 % actions, 40 % obligations). Ce basculement historique marquait une perte de pertinence des stratégies traditionnelles et la montée en puissance des métaux précieux comme actifs stratégiques. Sept mois plus tard, c’est au tour de l’argent d’envoyer un signal fort: L’argent métal suit aujourd’hui la même trajectoire que l’or, rompant une tendance baissière de 12 ans et surperformant à son tour le 60/40.
Cette dynamique haussière de l’argent s’accompagne d’un déséquilibre croissant entre les marchés papier (COMEX) et physique (LBMA). Le mécanisme des EFPs, censé assurer la fluidité entre les deux marchés, est désormais grippé : de plus en plus de règlements se font en cash faute de métal disponible. Le marché repose ainsi sur une illusion de liquidité, alors que les stocks physiques réels fondent. Le déficit annuel d’argent dépasse 260 millions d’onces, les stocks du COMEX ont chuté de plus de 30 % en trois ans, et le "free float" du LBMA est passé sous un jour de liquidité.
Les banques exploitent encore l’arbitrage entre COMEX et LBMA pour manipuler les prix, en inondant le marché papier de ventes à terme tout en prenant des positions longues sur des comptes non alloués. Mais ce système atteint ses limites : les taux de location de l’argent (Silver Lease Rates) explosent, signalant une tension extrême sur le marché physique. Historiquement, ces hausses de taux annoncent des rallyes de 20 % à 50 % sur le prix de l’argent.
Toutefois, la faiblesse actuelle de la demande chinoise, la logistique complexe de l’argent, et la confiance persistante dans les ETF retardent l’explosion.
Si une fraction des investisseurs réclamait une livraison physique, cela suffirait à faire imploser le système papier et déclencher un short squeeze massif. La pression monte, les stocks s’assèchent, et le marché entre dans une zone critique où la perte de confiance pourrait provoquer une envolée brutale des prix.
Beaucoup de lecteurs m’ont écrit cette semaine au sujet de la situation sur l’argent. On parle depuis longtemps d’un potentiel short squeeze, mais qu’est-ce qui a réellement changé cette fois-ci par rapport aux alertes précédentes ? Qu’est-ce qui pourrait concrètement provoquer un squeeze aujourd’hui ? La réponse tient en un mot : le physique. La tension actuelle vient du marché réel, pas d’un emballement spéculatif. Le LBMA parle désormais de délais de 4 à 8 semaines pour livrer certaines quantités d’argent. La Royal Mint britannique peine à se procurer des barres de 1 kg disponibles immédiatement. Et surtout, on observe sur le Comex un phénomène inédit : des entrées massives en stock, suivies de livraisons physiques elles aussi historiques. Ce n’est pas le retail qui déclenche la pression, mais bien des retraits de métal physique à grande échelle. Et ça, c’est nouveau.
Comme je l’écris dans le bulletin macro de cette semaine: le risque de short squeeze sur le COMEX ne dépend pas uniquement d'une demande de livraison supérieure aux stocks disponibles. Même avec un faible volume de livraisons, un short squeeze peut survenir si les stocks restent bloqués et que les vendeurs à découvert se retrouvent sans solution pour honorer leurs positions.
Que les grands acheteurs d'or et d'argent au COMEX retirent immédiatement leur métal ou non importe peu. Tant qu’ils conservent leurs warrants, ils bloquent ces stocks et empêchent leur recirculation sur le marché. Un warrant est un titre de propriété qui certifie qu’un investisseur détient du métal physique dans un entrepôt du COMEX. Tant que ce warrant est conservé, l’or ou l’argent correspondant est indisponible pour livraison, réduisant ainsi la liquidité et accentuant la pression sur le marché.
Cette situation oblige la LBMA à continuer à fournir du métal via les EFPs pour approvisionner le COMEX. Toutefois, si le LBMA atteint un point où il ne peut plus livrer suffisamment de métal physique, les vendeurs à découvert du COMEX seront forcés de racheter en urgence des positions longues pour couvrir leurs pertes. Cela pourrait alors déclencher un véritable short squeeze, où la rareté du physique entraînerait une envolée des prix.
Comme pour le marché de l’or, nous sommes à un moment critique sur le marché de l’argent. La rareté physique est bien réelle, les taux de location explosent, et la seule raison pour laquelle le marché papier tient encore, c’est que la grande majorité des investisseurs ne demandent pas de livraisons. Cependant, si la confiance dans le marché papier commence à s’effriter, comme cela a été le cas pour l’or, même de manière marginale, l'impact sur les prix pourrait être brutal et immédiat.
L’argent reste, pour l’instant, à l’écart des projecteurs. La vedette incontestée, c’est l’or – et le Swiss Mining Institute a dignement célébré cette semaine le franchissement de la barre symbolique des 3 000 $.
J’ai passé trois journées printanières à Zurich, au Grand Dolder, rythmées par des rencontres avec des investisseurs et des dirigeants de compagnies minières. Un cadre toujours aussi spectaculaire, propice aux échanges approfondis et aux discussions de fond.
L’assistance affichait certes de larges sourires – on sent ici, plus qu’ailleurs en Europe, à quel point l’or est compris, intégré et respecté dans les portefeuilles – mais aucune exubérance particulière. Le franchissement des 3 000 $ n’a finalement pas été célébré avec l’intensité qu’on aurait pu attendre.
La raison principale ? Les investisseurs présents au SMI, bien que largement exposés à l’or, le sont aussi aux valeurs minières, et ils attendent désormais un véritable rattrapage du secteur. L’attention se tourne donc vers les producteurs et les explorateurs, avec l’espoir que la performance des actions suive enfin celle du métal.
Mercredi, j’ai notamment rencontré Gregory Beischer, CEO d’Alaska Energy Minerals, qui m’a recommandé de prêter une attention particulière à la publication imminente de l’executive order prévue le lendemain. Il avait vu juste : le rapport intitulé “Immediate Measures to Increase American Mineral Production” marque un tournant majeur pour l’ensemble du secteur minier américain.
Ce bulletin a pour objectif d’en décrypter les enjeux. J’en profiterai également pour partager un premier retour sur certaines sociétés qui, selon moi, sont bien positionnées pour bénéficier de cette nouvelle donne. Certaines d’entre elles étaient présentes à Zurich, d’autres non, mais je les suis de près depuis plusieurs années: